Nous ne citerons que pour mémoire l’idée émise en 1899 par deux Anglais, Grogan et Sharp, — les premiers explorateurs ayant effectué la traversée de l’Afrique du Sud au Nord, — de faire passer par la Ruzizi le fameux chemin de fer (S-N) qui devrait relier Le Cap au Caire. Venant du lac Tanganyika, ils arrivèrent à Ishangi, sur le lac Kivu, en mai 1899. Dans la relation de leur voyage, ils préconisent un tracé partant d’Usumbura, « le meilleur port au Nord du Tanganyika », d’où pourrait être établi facilement un « chemin de fer léger » empruntant sur 60 milles la rive gauche de la basse Ruzizi. De là, sur 30 milles, il faudrait racheter une différence de niveau de 2.000 pieds pour arriver au lac Kivu, qui devrait être atteint dans la baie située immédiatement à l'ouest dTshangi (vallée de la rivière ltshunya, sur nos cartes actuelles). La vallée de la Ruzizi serait ainsi abandonnée au profit d’un affluent de sa rive gauche, la Kasilo .
Pendant la guerre 1914 - 1918, le Kivu joua un rôle important pour la défense des frontières orientales du Congo. Dès cette époque, M. Renkin, alors ministre des Colonies, avait eu l’idée d’établir un cbemin de fer entre Uvira et le lac Kivu. Mais il n’avait en vue qu’une simple voie decauville suivant la ligne de faite entre la Ruzizi et l'Ulindi. Des circonstances diverses retardèrent l'exécution de ce travail, si bien que la fin rapide et victorieuse des hostilités en 1918, en fit disparaitre la nécessité stratégique.
Lors de la création du Comité National du Kivu (CNKI), le projet de chemin de fer fut repris dans l’acte constitutif et une société congolaise à responsabilité limitée vit le jour a Bruxelles, le 20 juin 1929, dont l’objet était l’étude, la construction et l’exploitation d’un chemin de fer destiné à relier le lac Kivu au lac Tanganyika. Dès les débuts de son activité, la société connut de nombreuses difficultés. Tout d’abord, l’écartement fut porté de 60 cm à 1,067m. La Société des Chemins de Fer du Kivu (Cefaki) éprouva ensuite de gros déboires par suite de l’insuffisance des connaissances du régime des cours d’eau dans la région a traverser, et a diverses reprises, des cours d’eau torrentiels mirent a mal les chantiers de terrassements de la plate-forme dans la plaine qui s’étale sur la rive droite de la basse Ruzizi. Néanmoins, le cours inférieur de cette rivière se présente quand-même dans des conditions assez favorables pour l’établissement d’un chemin de fer. Au prix de gros efforts, on gagna finalement les 138m de différence de niveau entre le lac Tanganyika (Kalundu, à 4 km. au Sud d’Uvira, a la cote 776m) et Kamaniola (cote 915m), au kilomètre 93,5, où le rail arriva le 20 décembre 1931, avec des pentes limites de 10 °/oo et des rayons de 200 m. minimum.
Texte adapté de la très intéressante publication de E. Devroey (Le Lac Kivu , 1939)
L’axe Uvira-Kamanyola, fut ouvert le 21 novembre 1931 par les Chemins de fer du Kivu.( Le trafic passager a cessé le 1er juillet 1958). L’achèvement du tronçon de 41,8km Kamaniola-Costermansville n’a jamais été réalisé. En attendant, le trafic sur ce parcours sera assuré par un sous-traitant qui y affectera quelques camions.
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La petite gare de Kamaniola en 1948
On se rend compte alors que les travaux avaient englouti une dépense astronomique et que les perspectives de trafic rentable s’étaient évanouies. De plus, il n’existait aucune étude permettant de poursuivre la construction en direction de Costermansville dans des conditions acceptables. On décida l’arrêt des travaux, pour se contenter d’un transport automobile par une piste de montagne à caractéristiques sévères (escarpement de Ngomo - Kamaniola), alors que dans la plaine le chemin de fer serait doublé d’une route excellente qui lui enlèverait toute clientèle!
Remarque: On se mit néanmoins a l’étude et plusieurs tracés furent proposés, tant à adhérence, que par crémaillère et même par funiculaire. II apparut que le tracé empruntant le territoire du Ruanda-Urundi était techniquement préférable, mais l’aspect politique de cette solution souleva de sérieuses objections. Ün seul tracé à adhérence, en rampe de 30 °/°°et tunnel de 350 m., fut reconnu possible, en empruntant les gorges de la Ruzizi. Trois autres formules furent mises en parallèle : tracé Congo Belge, tracé Ruanda-Urundi et tracé mixte, comprenant toutes trois une partie à crémaillère en rampe de 75 a 80 °/oo et une partie à adhérence avec rampes de 25 °/oo compensées. Les longueurs totales des tracés en présence s’échelonnent entre 140 km. pour le tracé Congo Belge a adhérence et un peu plus de 150 km. pour le tracé Ruanda-Urundi aboutissant à Shangugu, avec raccordement jusqu’à la baie de la Kawa. Les devis varient du simple au triple, suivant qu’ils se rapportent au tracé Ruanda-Urundi a crémaillère (63 millions) où la ligne à adhérence par les gorges de la Ruzizi (186 millions).
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Parmi les principaux produits d’exportation utilisant la voie ferrée en 1938 figurent 3.395 t. de café contre 2.942 t. en 1937; 751 t. de cassitérite contre 646 t.; 1.403 t. de coton contre 1.406 t.; 2.362 kg. d’ivoire contre 1.410 kg; 2.495 kg. d’essences de plantes a parfum contre 1.076 kg.
Système de passage dans Kamaniola : système de signalisation.
1930. Système ' D ' imaginé pour éviter les croisements problématiques voire impossibles dans les secteurs où la largeur de la route de l'escarpement de Kamaniola ne les permettait pas.
( Collection J.CL. Duhot Carte postale Edition Bohin , Chinon - France)
Luc Van Gremberghe nous rappelle le mode d'emploi du système : il y avait toujours deux gardiens par barrière. Quant un véhicule se présentait, le gardien frappait le 'Gungulu' pour prévenir qu'un véhicule attendait. Si la voie était libre il refrappait et montait le petit fût en haut de la potence pour annoncer l'engagement d'un véhicule. Si un véhicule était déjà avancé à l'autre barrière, on attendait et, l'autre fermait son passage.(chacun son tour !). Pratique et en principe infaillible.
Le passage de nuit était interdit aux camions mais possible pour les voitures. et signalé par les coups du 'zamu' (gardien) sur la touque (gungulu) ...s'il ne s'endormait pas !. De plus il y avait un ou deux espaces plus larges permettant un croisement éventuel et qui servait aussi de refuge pour y pousser les véhicules en panne.
Réalisation P. Gallez sur la base de Google Earth.
Cette vue aérienne permet de se rendre compte du tracé compliqué que la route Bukavu - Usumbura devait faire pour venir à bout de cette zone montagneuse. L'étoile dans un virage indique la position du point de vue le plus spectaculaire de ce trajet à partir duquel les voyageurs photographiaient le plus beau méandre de la vallée de la Ruzizi.