f - Historique de la découverte du lac KIVU

 Le 8 décembre 1894, le télégramme suivant, déposé à Banana, était expédié de l’escale de San Thome au baron von Richthoven, président de la Société de Géographie de Berlin : 

Matadi via Ruanda. Forêt vierge. Atteint la Lowa en bonne santé. Volcan en activité. Kivu grand. Oso rivière. Publiez. Goetzen. 

C’est en ces termes que le comte von Goetzen, lieutenant des Uhlans de la Garde et chasseur passionné, annonça au monde qu’il avait découvert le lac Kivu et venait d’accomplir, suivant un itinéraire en grande partie inédit, la treizième traversée du continent africain C). Avant von Goetzen, aucun Européen n’avait, en effet, « vu )) le lac Kivu. Son existence avait toutefois été annoncée plusieurs années auparavant par Stanley. A cette époque, les indigènes lui avaient raconté que la Ruzizi prend sa source dans le voisinage d’un lac appelé Kivo, d’environ 18 milles de long sur 8 de large et entouré de montagnes au Nord et au Couchant. 

En 1892, l’explorateur autrichien Oscar Baumann parcourut le Ruanda et découvrit les sources de la Kagera (19 septembre 1892), Traversant les montagnes que les Varundi appelaient Misosi a Mwedi ou Monts de la Lune, il arriva, après une longue marche, sur le versant Occidental,  "où le pays est de nouveau habité et cultivé. A ses pieds se trouvait la vallée de la Ruzizi et, au Sud, il aperçut, brillant d’un éclat d’argent a travers le brouillard, le lac Tanganika ".Baumann émit l’hypothèse que le lac Oso, signalé par les Arabes et par Stanley, et le lac Tanganika pourraient bien être réumis par un canal naturel jouant le même rôle que la Semliki entre les lacs Édouard et Albert.

On soupçonnait donc l’existence du lac Kivu, mais, ainsi que nous l’avons fait remarquer, sa découverte effective échut au lieutenant von Goetzen. Accompagné de plusieurs adjoints européens, dont un géologue (von Prittwitz) et un médecin (D'' Hermann Kersting), il quitta Pangani, sur l’océan Indien, un peu au Nord de Zanzibar, le 19 octobre 1893. Le 4 mai 1894, il passa la Kagera, prés du confluent de la Nyabarongo; arriva au lac Mohasi le 14 mai; résida chez le Kigeri ou roi du Ruanda, Luabugiri, du 29 mai au 1" juin, dans son village situé près du poste actuel de Kabaya (alt. 2.310 m.). Après avoir traversé la crête séparant le bassin du Nil de celui du Tanganika, il escalada le Tshaninagongo*, , volcan en activité dont il mesura l’altitude: 3.470 m. Le 16 juin, il arriva à Goma, sur le lac Kivu (alt. 1.490 m.). Traversant le lac en pirogue, en passant entre les iles Kitanga et Mukondo, au Nord de l’ile Kwidjwi, il retrouva, le 26 juin, dans la baie de Sake, son compagnon von Pittwitz, qui avait contourné le lac par le Nord, par voie de terre.

Nyiragongo. Ce volcan porte deux ou trois noms différents. Les indigènes du voisinage le nomment « Rwere nyange » ou « nuage pique-bœuf », ce probablement par allusion au profil allongé du volcan surmonté du panache de vapeur sortant du cratère et qui évoque l'image du pique-bœuf ou héron-aigrette blanc perché sur le dos du buffle ou du bétail. Les Ruandais l'appellent « Nyiragongo » ou mère de Gongo; Gongo est le plus important des esprits sensés demeurer dans les volcans actifs. Les dénominations Niligongo, Ninagongo et Tshaninagongo, parfois utilisées par des Européens, sont fausses; la dernière forme en particulier est une amputation de « Kirunga tsha Ninagongo » et devrait être proscrite.

Quelques mois plus tard, les lieutenants belges Lange et Long, venant du Tanganika, s’installèrent a Lualimba, sur la rive orientale du lac Kivu, à hauteur de Mushao actuel, et à Lubuga, a proximité de Shangugu. En août 1895, Mgr Roelens, qui venait d’être élevé a l’épiscopat, tenta d’établir au Kivu des postes de mission des Pères Blancs, mais il ne put poursuivre sa route le long des gorges de la Ruzizi, a cause des difficultés de ravitaillement de ses porteurs. Bien lui en prit, car deux ans plus tard, lors de la révolte des soldats du lieutenant Dhanis marchant sur Redjaf, les rebelles, après avoir massacré la plupart de leurs officiers, prirent la route du Tanganika a travers le Kivu et détruisirent tous les postes européens sur leur passage. Le lieutenant E.-L. Dubois, qui avait été envoyé par Dhanis contre les révoltés, tomba sous les balles des rebelles le 13 novembre 1897, a Birizi, sur la Ruzizi.

En avril 1898, le lieutenant Glorie et deux sous-officiers effectuèrent, avec 500 soldats, porteurs, femmes et boys, une marche militaire de Biba-Biba (Lokandu) au lac Kivu, par la vallée de l’Elila (Misisi) et celle de l’Ulindi (Shabunda), dont ils remontèrent le cours pour arriver ainsi a Gwese, sur la Ruzizi. Ils y mirent en déroute un détachement de révoltés batetela. Cet itinéraire traversait une région inconnue située entre la route du Maniema (Kabambare-Kasongo) au Sud, et celle de von Goetzen, par la vallée de la Lowa, au Nord. L’ordre ne fut rétabli qu’en octobre 1898 par les commandants Ilenncbert el Hecq, qui s’installèrent respectivement à Luberizi, sur la Ruzizi, et a Uvira, sur le Tanganika.

ref: texte largement inspiré par la publication de E. DEVROEY (1939) > LE LAC KIVU

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